Marina Abramović : The Artist is present de Matthew Akers (2012)

J’aime beaucoup Marina Abramovic, j’aime son travail d’un point de vue artistique voire historique. Elle a marqué l’histoire de l’art, de la performance et cette période m’a aidé à construire des interrogations autour du corps, de l’environnement, des limites qui m’ont faite avancer. L’art aujourd’hui semble être devenu beaucoup plus une affaire de business, d’argent, de promotion mégalomaniaque et d’administration. Le mot « art » est lui-même utilisé pour tout et n’importe quoi.

 

 

Pour une fervente amatrice comme moi il devient difficile d’argumenter contre les critiques dénonçant la grosse arnaque et le « foutage de gueule » que représente l’Art Contemporain. J’ose peu imaginer ce que quelqu’un qui n’aime pas Marina Abramovic à pu penser du documentaire, tellement il dresse un moment de la vie de l’artiste presque écœurant. Après peut on reprocher à quelqu’un de ne pas profiter du succès et de l’argent qu’il mérite. Probablement que beaucoup doivent penser qu’elle ne le mérite pas, mais son travail est avant tout un parcours, long et très riche.

J’ai vu des documentaires plus intéressants sur cette artiste, sur son travail, sa démarche, mais qui devaient probablement tomber dans ce qu’une partie de la population déteste : le côté intello de l’art contemporain, ce qu’elle regrette de ne plus avoir à justifier « pourquoi est ce de l’art ? ». On s’en moque du moment que sa photo fait la une des magazines. Ces documentaires m’ont plus amené à réfléchir sur mes pensées, mes actes, à me positionner dans ce monde, offrant d’avantage sa vision plus féministe, spirituelle ou révolutionnaire (dans le contexte des Balkans). Ce reportage ne parle jamais de ça, il l’efface presque et offre ainsi une vision tout autre que cette vision « intello », c’est-à-dire un pur produit commercial, une publicité d’1h46, avec les effets vidéos faciles mais gênants, les incrustations de texte en fondus et transparences, les accélérés sur la foule pour montrer le temps de l’exposition qui passe, les ralentis pour souligner un moment émouvant. Et cela devient de pire en pire au fur et à mesure du film par exemple en faisant défiler des gros plans sur des visages émus jusqu’aux larmes, des portraits consensuels faussement humaniste d’individus, avec la musique au piano qu’il faut (Philippe Glass me semble t’il).

 

 

De ce documentaire, j’ai bien aimé le fait qu’il retrace quelques unes des œuvres de l’artiste (mais autant aller à la bibliothèque), en oubliant malheureusement de situer le contexte de l’époque, le message des performances,… J’ai bien aimé me placer de manière voyeuriste derrières quelques moments du quotidien de l’artiste, mais j’ai vraiment eu l’impression qu’on pouvait facilement avoir à faire à une supercherie, devant un certain ego, une certaine vanité voire une certaine futilité par exemple lorsqu’on filme Marina regarder les vêtements chez Givenchy présenté par Riccardo.

Comme je disais, la fin m’a mise assez mal à l’aise soulevant la question du statut d’idole et de fans. Cela a également soulevé quelques pulsions misanthropiques, de voir en quelque sorte une mise en abîme de gens qui ont besoin d’être regardé, d’exister avant tout dans l’égocentrisme, de profiter de la notoriété de quelqu’un pour tenter de grappiller quelques miette de « l’aura de l’artiste », le besoin d’y arriver, c’est-à-dire d’avoir son nom quelque part, ses photos de soi vendues 50 000 $, son loft à New York, ses maisons de campagnes, etc. Quand je parle de gens, je ne parle pas des autres, je parle de moi, de nous, de notre époque, de cette séquestration dans le rêve d’une reconnaissance en vivant sa propre success story, de cette compétition, de la soit disant méritocratie qui est elle, la véritable arnaque, de cet appel au mensonge, à la prétention pour ne pas être un paria, un laissé pour compte de la société du spectacle.